Une communauté née de la grâce : La grâce justifiante dans l’Ancien Testament

Une communauté née de la grâce : La grâce justifiante dans l’Ancien Testament

L’un des fils conducteurs des témoignages de l’Ancien Testament est la conviction que le Seigneur a initié par sa grâce et librement établi une relation unique avec la communauté d’Israël. Souvent décrite comme une alliance, cette relation entre Dieu et ce peuple trouve son expression la plus commune dans les paroles du Seigneur qui confirment ce lien : « Je serai votre Dieu, et vous serez mon peuple » (Lévitique 26.12). Lorsque nos ancêtres bibliques parlaient d’une « relation juste » avec Dieu et les uns avec les autres par cette alliance, ils utilisaient des mots dérivés d’une racine hébraïque unique : ts-d-q. Nous traduisons souvent les mots dérivés de cette racine soit par juste/justice ou justifier/justification. Bien que ces deux traductions semblent refléter des idées différentes[1], l’Ancien Testament utilise cette même racine pour exprimer l’idée d’un lien juste. Autrement dit, pour nos ancêtres être juste ou justifié signifiait être dans une relation juste ; la justification étant l’acte ou le processus par lequel une relation juste a lieu.

Nos ancêtres bibliques avaient confiance en cette relation d’alliance entre eux et le Seigneur, relation qui ne pouvait advenir que par la grâce divine. Rien, ni leur propre force, ni leurs réalisations ou leur mérite, ne pouvait assurer leur alliance avec Dieu. Lorsque nous considérons ce lien avec notre perspective théologique, nous pouvons dire que cet acte de Dieu est la grâce justifiante. Dans le contexte de l’Ancien Testament, cet acte peut être appelé à juste titre grâce de l’alliance. Dans tous les cas, la relation ordonnée et juste entre Dieu et le peuple n’advient pas par des efforts humains mais uniquement par la grâce divine.

La grâce de l’alliance offerte à Abraham, Sarah et leurs descendants

Dans le récit biblique dans son ensemble, et bien avant le moment clé de l’alliance au Sinaï, l’histoire d’Abraham et Sarah a influencé la vie des générations suivantes. Étant témoins de la grâce de Dieu qui a appelé, donné une promesse et guidé ce couple sans terre ni enfants, les générations suivantes ont eu un aperçu de l’activité pleine de grâce de Dieu qui a établi une relation juste par son alliance. Dans leur parcours nomade vers un avenir inconnu, Abraham et Sarah eurent parfois des difficultés à faire confiance au Seigneur qui leur avait promis une descendance. Au milieu des épreuves en Genèse 15, Abraham qui était nomade et sans enfants questionna Dieu concernant son futur héritier : « Seigneur Éternel, que me donneras-tu ? Je m’en vais sans enfants » (v. 2). Du point de vue d’Abraham, son seul héritier potentiel était son serviteur Éliézer. En réponse à la question d’Abraham, le Seigneur l’invita à contempler le ciel sombre et rempli d’étoiles puis lui dit : « Regarde vers le ciel, et compte les étoiles, si tu peux les compter. Et il lui dit : Telle sera ta postérité » (v. 5). En réponse à l’activité pleine de grâce du Seigneur et à sa promesse dans sa vie, Abraham a simplement cru. Sa confiance en ce Dieu qui avait prononcé ces paroles de promesse fut imputée ou calculée comme une juste relation avec Dieu.

Dans la scène finale de cette rencontre entre Dieu et Abraham en Genèse 15, le Seigneur initie de Lui-même et établit une relation d’alliance avec Abraham et ses descendants. La grâce de l’alliance est au premier plan par la présence de Dieu, représentée par le feu et la fumée qui passa entre les morceaux des animaux sacrifiés. Le Seigneur prit la pleine responsabilité pour initier cette alliance et s’engager dans cette relation d’alliance entre le Seigneur et Abraham. Cette alliance signifiant une relation juste était établie uniquement par la grâce divine. Des générations plus tard, l’apôtre Paul se souvint de ce moment qui définissait une relation juste avec Dieu (Romains 4.1-3).

Le moment essentiel de la grâce de l’alliance de Dieu au Sinaï

Des siècles après Abraham et Sarah, les échos de ce récit de l’alliance de Dieu avec Abraham, Sarah et leurs descendants résonnaient dans la vie des esclaves hébreux qui quittaient précipitamment et en masse l’Égypte et arrivaient sur les rives de la mer Rouge. Entre les armées de Pharaon lancées à leurs trousses et la mer potentiellement mortelle devant eux, la situation semblait désespérée. Tout à coup, un vent puissant vint de l’est divisant en deux la mer déchaînée. Sortant de ces eaux marquant une nouvelle naissance pour ce peuple, ces anciens esclaves devinrent une communauté d’êtres humains émancipés. En réponse, Marie pris son tambourin et mena les femmes dans le chant et la danse : « Chantez à l’Éternel, car il a fait éclater sa gloire ; il a précipité dans la mer le cheval et son cavalier » (Exode 15.21). Devant ce témoignage de la grâce de Dieu qui délivre, la communauté de foi était née.

Dans les jours qui suivirent ce moment essentiel, la nouvelle communauté mangea le pain donné par Dieu et but l’eau fournie de façon divine. Lorsque le peuple arriva au pied du mont Sinaï, le Seigneur les inclut dans une famille de l’alliance, une communauté dans une relation juste avec Dieu et les uns avec les autres. Les esclaves qui étaient auparavant orphelins et qui n’étaient pas un peuple furent adoptés dans la maison de Dieu comme un héritage précieux parmi toutes les familles de la terre (Exode 19.3-6). En effet, le Seigneur devint leur Dieu et ils devinrent le peuple du Seigneur.

Conçue par la grâce de Dieu qui précède par l’appel de Dieu adressé à Abraham et Sarah (Genèse 12.1-3), la communauté émerge désormais des eaux en tant que peuple délivré et entré dans une alliance avec le Seigneur et les uns avec les autres—non du fait de leur ingéniosité, leur force ou leur mérite, mais par la délivrance de Dieu, par la grâce de l’alliance seule. Dans leur captivité, ce peuple ne pouvait pas se libérer lui-même. Cependant le Seigneur les secourut dans sa grâce. Dans leur faim et leur soif, ils ne pouvaient pas cuire leur propre pain ou creuser des puits assez profonds pour trouver de l’eau. Cependant, le Seigneur les nourrit dans sa grâce. En tant qu’orphelins sans dieu et errant sans roi, ils ne pouvaient persuader ni les dieux ni les rois de les accueillir. Cependant, le Seigneur les adopta par sa grâce en tant qu’enfants de l’alliance divine. Leurs propres efforts ne les avaient pas amenés à cette relation d’alliance—seul l’engagement et l’amour de Dieu pour cette communauté pouvait accomplir un tel acte miraculeux (voir les paroles de Moïse au peuple en Deutéronome 8.17-18). En effet, le Seigneur vint à eux avant même qu’ils ne viennent au Seigneur. Par la grâce, ils furent délivrés. Par la grâce, ils furent nourris. Et par la grâce, ils entrèrent dans cette relation d’alliance avec Dieu et les uns avec les autres.

Le don de grâce de la loi et du pardon

Nos ancêtres bibliques témoignent d’un autre don divin qui était directement lié à l’alliance. Ce don de la loi du Seigneur n’était pas une alternative à la grâce de l’alliance ; il faisait partie intégrante de l’alliance de la grâce. Ayant été adoptés dans la famille de l’alliance de Dieu, comment cette communauté pouvait-elle connaître les façons dont ils devaient pratiquer et incarner cette identité de l’alliance ? Le Seigneur n’a pas laissé le peuple sans aide. Ils croyaient avec ferveur que Dieu leur avait donné des paroles et des principes, des ordonnances et des commandements, des pratiques et des disciplines par lesquelles ils pourraient incarner et nourrir leur identité dans l’alliance.  Ils croyaient clairement que la délivrance par la grâce de Dieu et l’alliance précédaient le don de la loi. Ils étaient profondément conscients qu’ils étaient nés dans la communauté de l’alliance par la grâce seule et non par leur obéissance à la loi. Croire différemment aurait été une perversion à la fois de la grâce et de la loi. Cependant, concevant aussi la loi divine comme un don de Dieu à la communauté de l’alliance, nos ancêtres bibliques croyaient fermement que leur relation d’alliance avec Dieu et les uns avec les autres rendue possible par la grâce impliquait la responsabilité de pratiquer dans l’obéissance les voies de la fidélité de l’alliance.

Comme leur père Abraham et leur mère Sarah, le peuple de Dieu avait des difficultés à faire confiance au Dieu de l’alliance de tout leur cœur. En se tournant vers d’autres dieux, construisant des idoles, établissant des rois, faisant alliance avec d’autres nations, et en pratiquant l’oppression, l’injustice et la violence, leur relation juste dans l’alliance avec Dieu et avec leur prochain devint déformée et rompue (c’est-à-dire injuste). Bien que le peuple ait violé l’alliance avec le Seigneur, le Seigneur refusa de quitter la communauté de l’alliance. La grâce divine qui avait établi l’alliance en premier lieu continua à être active et à appeler le peuple à se repentir, à rechercher le pardon et une relation juste. Dans le contexte de l’infidélité et de la rébellion de la communauté, le pardon divin devint partie intégrante de la restauration de la relation juste de l’alliance menée par le Seigneur.

Comme en ont témoigné des générations du peuple de Dieu, le Seigneur est miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en bonté et en fidélité… pardonne l’iniquité, la rébellion et le péché (Exode 34.6-7). Le caractère même de Dieu est incarné dans la grâce divine qui non seulement établit une relation juste, mais qui restaure aussi une relation juste avec Lui.

Timothy Green est doyen de la Millard Reed School of Theology and Christian Ministry et professeur de théologie de l’Ancien Testament à Trevecca Nazarene University à Nashville dans l’état du Tennessee aux États-Unis.

Sainteté aujourd’hui, novembre/décembre 2020

 

 

[1] Note de traduction : En anglais, la langue originale de cet article, les deux mots évoqués righteousness et justification ont des étymologies plus éloignées l’une de l’autre que pour les mots français justice et justification.

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